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VENINS QUI Tuent

Qu'est-ce qu'un serpent venimeux ?

 

 

 

Si la question est simple, la réponse s'avère compliquée. Un animal est dit venimeux lorsqu'il peut sécréter des toxines et qu'il possède un moyen de les injecter.

 

Dans la nature il existe beaucoup d'espèces animales venimeuses. Les araignées, les guêpes, les abeilles, les frêlons, les cônes (mollusques), certains poissons comme les raies, les musaraignes et même l'ornithorynque ! L'ornithorynque mâle possède en effet un aiguillon relié à une glande à venin sur ses pattes arrière.

 

Mais les plus connues des créatures venimeuses, ce sont les serpents. Le venin est sécrété par deux glandes situées de chaque côté de la mâchoire supérieure. Les toxines sont inoculées grâce à la dentition de l'animal, on dit donc des serpents qu'ils mordent et non pas qu'il piquent.

 

 

 

 

 

 

 

 

Rudy Fourmy

Biologiste spécialiste des animaux venimeux

Les glandes productrices de venin se présentent de différentes façons. De récentes études ont montré toute la compléxité du sujet et des spécialistes de l'évolution des reptiles évoquent un groupe d'animaux nommé Toxicofera. Ce groupe comprend l'ensemble des reptiles venimeux connus et certaines espèces innatendues.

 

 

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Pamis les serpents venimeux connus, il y a les vipéridés (crotales et vipères), les élapidés (cobras, mambas, serpents marins et bien d'autres) et certains colubridés. Tous possèdent des dents spécialisées, les crochets, aménagées d'un sillon pour inoculer le venin.

 

De nombreuses couleuvres, sans avoir de crochets possèdent des glandes de Duvernoy qui sont des glandes salivaires sécrétant des toxines pour faciliter la digestion. D'autres reptiles s'ajoutent potentiellement à la liste de par leurs sécrétions salivaires comme les varans, les iguanes et les caméléons.

 

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Pour autant beaucoup de ces animaux ne possèdent que des résidus de glandes venimeuses et ne présentent pas de danger en cas de morsure. Ils sont considérés comme potentiellement venimeux car leurs dents, sans être creusées d'un sillon, offre une voie d'entrée à la salive en mastiquant la nourriture. 

 

 

« Toutes ces glandes sont un ensemble de type de glande salivaire qui s’est différemment différencié au cours de l'évolution pour des raisons difficiles à expliquer » précise Rudy Fourmy.

 

S'il n'y a rien à craindre d'un iguane ou d'un caméléon, certains varans comme le dragon de Komodo provoquent des envenimations sévères en plus des éventuelles blessures infligés.

 

 

 

Pour en savoir plus sur les reptiles venimeux à travers une publication du Muséum national d'Histoire naturelle, cliquez sur ce livre :

Bilan de tout cela ? Difficile d'établir avec exactitude une frontière entre espèces venimeuses et espèces non venimeuses. À la variété des moyens pour produire du venin s'ajoute une diversité des façons de l'injecter.

 

Les serpents possèdent en effet des dentitions très variées selon les espèces. La science fait souvent état de 4 types de dentitions, il y en a en réalité plus. C'est pourquoi les schémas qui suivent sont très synthétiques mais offrent une idée des différentes stratégies mises en place par les serpents pour inoculer le venin.

 

Cliquez sur les petits serpents pour obtenir des informations :

Serpent-liane de Guyane, Oxybelis fulgidus . Cette couleuvre utilise son venin pour capturer les petits lézards qui constituent son alimentation

Cobra royal en Malaisie, Ophiophagus hannah (le plus grand serpent venimeux du monde : jusqu'à 5m)

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Dentition de type aglyphe :

 

Pas de crochets venimeux, présence de glandes salivaires ou de glandes de Duvernoy pour les couleuvres produisant potentiellement des toxines.

 

Dentition des constricteurs comme les pythons, boas et les couleuvres. Les aglyphes ne présentent pas de danger sauf avec les grands pythons et anacondas qui sans être venimeux, peuvent infliger des blessures importantes.

 

 

 

 

Boa canin : espèce totalement inoffensive, seule la mosure est douloureuse à cause des dents longues de l'animal .

 

 

 

 

Dentition de type protéroglyphe :

 

Crochets venimeux présents à l'avant de la gueule et reliés à des glandes à venin.

 

Dentition typique des élapidés (cobras, mambas, serpents marins, etc). Ces serpents comptent parmi les plus venimeux et dangeureux pour l'homme.

 

 

Dentition de type solénoglyphe :

 

Les solénoglyphes sont les serpents venimeux avec la dentition la plus évoluée pour inoculer du venin.

 

Les crochets sont amovibles : ils se déploient quand le serpent attaque et se rétractent lorsqu'il est au repos. 

 

Dentition des vipéridés (vipères et crotales). Ces serpents représentent un danger en cas de morsure.

 

 

 

 

 

 

 

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Mamba vers de l'Est (Dendroaspis viridis) immobilisé pour une extraction de venin.

 

On peut apercevoir les crochets à l'avant de la gueule.

 

 

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Crâne de vipère du Gabon. La dentition de type solénoglyphe est ici bien visible.

 

Il s'agit du serpent ayant les plus grands crochet (près de 5 cm). Les autres dents qui suivent les crochets sont des dents de remplacement.

 

 

 

 

 

 

 

Dentition de type opistoglyphe :

 

Les crochets venimeux sont situés dans le fond de la gueule et sont reliés aux glandes à venin.

 

De par cette position reculée, ces crochets servent souvent au maintien de la proie et à l'injection de salive pour la prédigérer

 

Dentition typique de certaines espèces de couleuvres dont seul quelques espèces présentent un danger potentiel  pour l'homme comme le boomslang (ci-dessous).

 

 

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Superpouvoir :

 

Les Atractaspis sont des petits serpents d'Afrique et possèdent également une dentition de type solénoglyphe (bien que ce ne soient pas des vipéridés).

 

Ils disposent de la faculté de pouvoir déployer leurs crochets sans ouvrir la gueule. Fouisseurs, ces animaux peuvent ainsi chasser sous terre sans être handicapés.

Cliquez sur le crâne ci-dessus pour que les crochets se déploient ...

Le venin : arme de chasse 

Le venin permet aux serpents de tuer leurs proies et de se défendre. Comme évoqué précédement, le venin offre également une aide à la digestion des aliments. Il est adapté au type de proies que le serpent chasse. Celles-ci sont très variables : rongeurs, poissons, insectes, reptiles (y compris d'autres serpents), oiseaux, etc

 

 

Partant de ce principe, qui dit proies diversifiées dit venins diversifiés. Les venins ont pour vocation première l’aspect prédateur de paralyser, tuer ou entraîner une hémorragie ou un effet néfaste sur la proie mais également une vocation de défense contre un prédateur en le menaçant de riposte. Tout un programme. C'est pourquoi il existe différents types de venins qui correspondent en généralisant (encore) aux tendances suivantes :

 

 

Moyenne du nombre d'envenimations dans le monde par zones géographiques et de la mortalité qui en résulte .

 

 

D'après le Dr. Jean-Philippe Chippaux, médecin spécialiste des envenimations

 

 

Les différents types de venins, sachant qu'un même venin peut avoir plusieurs effets à la fois :

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Effets cytotoxiques :

 

Le venin s'attaque aux cellules ce qui entraîne des nécroses et la destruction des tissus.

 

Ces effets sont communs aux venins de vipères et de crotales.

 

 

Effets hémotoxiques :

 

Le venin s'attaque à la coagulation du sang et entraîne soit un effet anticoagulant de type hémorragique soit un effet procoagulant qui résulte sur des AVC, des arrêts cardiaques et la formation de caillots.

 

Ces effets se rencontrent dans la plupart des venins.

Effets cardiotoxiques :

 

Le venin joue sur le rythme cardiaque et crée des hypertensions ou des hypotensions.

 

Ces effets sont visibles avec les venins d'élapidés (cobras, mambas) et d'Atractaspis.

Effets neurotoxiques :

 

Le venin s'attaque au système nerveux central ou périphérique et entraîne une mort par paralysie de la proie.

 

Ce type de venin se rencontre chez les élapidés (cobras, mambas, etc)

Le venin : arme de défense

Outre le fait d'être un moyen de tuer les proies, le venin est également une redoutable arme de défense. Si certains prédateurs spécialisés dit ophiophages(qui mangent des serpents) sont immunisés contre les toxines, la plupart des êtres vivants y sont sensibles. La toxicité du venin dépend de sa composition, de l'animal qui l'injecte et de la quantité injectée. Il arrive qu'un serpent morde et n'injecte aucun venin, la morsure est dite blanche.

 

Dans les pays tropicaux les plus pauvres, les hommes sont souvent en contact avec les serpents. Le serpent, s'il se sent importuné, mord. Les mosures sont communes et posent un véritable problème sanitaire particulièrement en Afrique et en Asie. 

 

Les serpents qui menacent le plus l'homme ne sont pas forcément les plus venimeux mais ceux qui sont le plus en contact avec les populations.

 

 

Zones sans données (ou sans serpents pour les pôles)

 

Amérique du Nord (États-Unis et Canada) : zone faiblement touchée

 

Europe : zone faiblement touchée

 

Afrique du Nord et Proche-Orient : zone moyennement touchée

 

Australie et Papouasie-Nouvelle-Guinée : zone fortement touchée

 

Amérique centrale et du Sud : zone fortement touchée

Afrique subsaharienne : zone très fortement touchée

Asie : zone très fortement touchée

 

Morsures de serpents et décès qui en suivent à travers le monde :

 

 

de 2 millions d'envenimations

 

de 110 000 morts

 

 

 

 

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Dans ces pays il y a beaucoup de plantations vivrières (manioc, rizières) et de rente (coton) qui sont gérées par de grandes compagnies et qui sont disposées sur de très grands espaces créant des biotopes attirant les serpents.

 

Vous aurez une concentration d’espèces venimeuses ou non et des activités humaines qui vont mettre les hommes avec ces espèces et provoquer des accidents.

 

Les travailleurs sont généralement pieds nus et exposés. La grande majorité des morsures ont lieu dans les plantations.Vous avez aussi des espèces qui vivent près des maisons qui peuvent mordre la nuit car beaucoup de serpents chassent la nuit. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Beaucoup de patients vont chez le tradipraticien »

 

De même en Afrique quand vous vous faites mordre dans le nord du Bénin, il n'est pas dit que vous arriviez à l’Hôpital et qu'il y est quelqu'un de formé pour vous prendre en charge. 

 

Il n’est même pas sûr du tout sur que vous ayez de l’antivenin et même si vous en avez il n’y aura rien d’autre. Il n’y a rien pour vous prendre en charge à part pour traiter quelques symptômes.

 

Beaucoup de patients ne vont même pas à l’hôpital, ils savent très bien qu’il ne s’y passera pas grand-chose donc ils vont chez le tradipraticien qui fait des choses pour lesquels on n’a aucune preuve d’efficacité (c’est plus le contraire). 

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La vipère ocellée, (Echis ocellatus) est un serpent qui provoque de nombreuses morts du fait de sa présence commune près des habitations.

Jean-Philippe Chippaux est directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement, actuellement en mission au Bénin.

Quelques questions à Jean-Philippe Chippaux :

D'où provient cette mortalité si élevée suite aux morsures de serpents en Afrique et en Asie ?

 Il n’y a pas vraiment de réponse. On essaye de mettre en place depuis quelques années une formation du personnel de santé pour qu’ils puissent traiter les envenimations et de leur mettre à disposition des antivenins de façon à ce que la partie toxique soit réglée. Pour la partie symptomatique on s’en remet à ce qui existe dans les centres de santé en espérant qu’il y aura ce qu’il faut.

 

Le problème sur place c’est qu’il est très compliqué de fabriquer de l’antivenin car on ne peut pas en faire n’importe où et de façon peu coûteuse.

 

Il y a plus de 300 000 envenimations chaque année traités en Afrique et aucun producteur ne rentabilise la fabrication avec ça. Le modèle économique africain n'est pas du tout stabilisé.

 

 

 

 

« L’objectif n’est pas de chercher de l’argent en faisant pleurer sur un gosse mordu qui va perdre un membre ou la vie » 

 

Ce qui est sûr c’est que quand on regarde les statistiques on s’aperçoit que tant qu’il n’y a pas d’antivenin, la mortalité est très élevée, et dès qu’on en a un, on arrive à réduire de façon importante la mortalité.

 

 

Ça peut paraître curieux mais l’objectif n’est pas de chercher de l’argent en faisant pleurer sur un gosse mordu qui va perdre un membre ou la vie.

 

Mon propos c’est de dire que des outils existent, il faut que les pays africains, sud-américains et asiatiques s’organisent pour s’approprier l’outil et l’utiliser correctement. C'est une question de durabilité !

 

Il faut convaincre les entreprises que s’ils mettent un peu de leurs profits dans l’acquisition et la mise à disposition d’antivenins, ils auront un meilleur résultat et des ouvriers soignés dans de bonnes conditions ce qui va améliorer le rendement. 

 

Que faut-il faire pour enrayer le problème ?

 

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Un crotale arboricole d'Asie (Tropidolaemus subannulatus ) en position d'attaque. 

Ces chiffres sont des estimations, nombreux sont les cas non répertoriés. Il est difficile d'établir des données précises.

 

Deux zones ressortent particulièrement : l'Afrique et l'Asie. À la différence de l'Australie, où vivent pourtant de nombreux serpents venimeux, les pays africains et asiatiques les plus pauvres ne possèdent pas les infrastructures suffisantes pour prendre en charge les victimes. D'où l'urgence d'une action sanitaire locale.

 

 

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Un naja (Naja samarensis) proche des habitations à Bohol (Philippines).

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